Vendredi, 9 décembre 2016
Au courant des prochains jours, des bilans portants sur les différents programmes de recherche de l’Observatoire d’oiseaux de Tadoussac seront mis en ligne sur le blogue des migrations. Le premier bilan de cette série porte sur le programme de surveillance des nyctales.
Un suivi de longue durée

Petite Nyctale. Photo par Laetitia Desbordes
Le programme de baguage des nyctales à l’OOT est le plus ancien du genre au Québec. Mis en place en 1996, ce volet de recherche nocturne se voulait un complément aux activités de suivi migratoire effectués pendant la journée aux dunes de Tadoussac. Son objectif principal est de déterminer les tendances de population de deux espèces de strigidé nichant en forêt boréale soit : la Petite Nyctale et la Nyctale de Tengmalm.
Pour ce faire, l’OOT a recours à une équipe de bagueurs qui œuvre à chaque automne, toutes les nuits (lorsque les conditions le permettent) du début septembre à la fin octobre. Pendant 8 heures, 2 enceintes de 4 filets japonais sont déployées ainsi que 4 filets dit « passifs ». Au centre de chacune des enceintes, un système d’appel diffuse le chant d’une des 2 espèces, de façon continue. Cette technique de capture dite « active » est utilisée dans la forte majorité des stations de baguage ayant un programme dédié aux chouettes et hiboux.
Depuis 1996, ce programme a été dirigé par différents bagueurs et bagueuses, tous appuyés par des bénévoles dévoués qui contribuent en aidant au démaillage des oiseaux et à la prise de notes lors du baguage de ces derniers. Cette année, deux bagueurs se sont succédés à la tête du suivi des nyctales. Les deux premières semaines ont été menées sous la supervision de Patrick Bérubé qui a ensuite laissé sa place à Laetitia Desbordes. Une quinzaine de bénévoles ont aussi contribué au projet pour un total de 936 heures! L’équipe de l’OOT tient d’ailleurs à remercier ces bénévoles sans qui, ce projet n’aurait pu être effectué.
Des données importantes

Nyctale de Tengmalm. Photo par Laetitia Desbordes.
Par sa position à la limite de la forêt boréale québécoise, l’OOT est l’un des rares observatoires en mesure de faire le suivi des deux espèces de nyctales nichant en Amérique du Nord. Les données de l’OOT ont d’ailleurs permis de confirmer que la Petite Nyctale est une espèce qui niche de façon régulière en milieu boréal et qui effectue une migration à chaque automne au sud de cet écosystème. Les variations annuelles du nombre de captures seraient en grande partie dues à l’abondance de nourriture (essentiellement des micro-mammifères) en forêt boréale. Les années de forte abondance assurent une bonne productivité chez la Petite Nyctale, ce qui se reflète par un grand nombre de juvéniles dans les filets.
Quant à la Nyctale de Tengmalm, il s’agit d’une espèce dite « irruptive », c’est-à-dire qu’elle effectue des migrations irrégulières au sud de la forêt boréale uniquement lors des années de faible abondance de nourriture. Sa principale source de nourriture est le Campagnol à dos roux de Gapper qui est reconnu pour avoir d’importants cycles d’abondance. Les données de l’OOT ont montré que ce cycle était régulier aux 4 ans. Ainsi, nous avons connu de bons passages de Nyctales de Tengmalm en 1996, 2000, 2004, 2008 et 2012. De ce fait, l’équipe de l’observatoire était bien confiante d’assister à une irruption de cette espèce en 2016!
L’année d’exception !
Le projet a débuté cette année, le jeudi 9 septembre. Un départ canon, alors que 2 Petites Nyctales sont capturées dès la première tournée des filets! Pour ce qui est de la Nyctale de Tengmalm, il faut plutôt attendre la nuit du 12 septembre pour avoir un premier oiseau, ensuite la nuit du 15 septembre pour le second. Bien que la saison n’était qu’à ses débuts, seulement 2 Nyctales de Tengmalm en 6 nuits constituait un lent départ. À titre comparatif, 9 individus avaient été bagués pour la même période en 2012. À la fin du mois, le total s’élevait à 13 tengmalm, loin des 40 nyctales capturées en septembre 2012. Au final, le décompte s’est arrêté à 22 oiseaux, dont 15 juvéniles (une proportion de 68%). Comme on peut le voir à partir du graphique ci-dessous, lors des années d’éruption de cette espèce, plus de 100 oiseaux ont été systématiquement capturés. De plus, le pourcentage de juvéniles observé lors de ces années est généralement très faible (moins de 20%, à l’exception de 2012 où il était de 42%).
En somme, pour la première fois à l’OOT, le cycle de 4 ans de la Nyctale de Tengmalm n’est pas respecté. Il faut dire qu’ailleurs sur le continent, il avait été montré que les creux d’abondance du campagnol à dos roux de Gapper pouvaient suivre un cycle de 4 ou 5 ans. La question est maintenant de savoir si l’an prochain, on aura bien droit à une éruption de Nyctales de Tengmalm!
La Petite Nyctale au rendez-vous!
Malgré la déception de ne pas avoir eu un bon passage de Tengmalm, l’équipe de nuit a eu droit à un nombre très respectable de Petites Nyctales. Au total, 137 individus ont été capturés, dont 100 juvéniles (une proportion de 73%). Il s’agit par conséquent du 10e plus haut total saisonnier obtenu aux dunes de Tadoussac en 21 ans de suivi. Au niveau de la répartition dans le temps des captures, notons que 96 individus ont été bagués en septembre et 41 en octobre.
Recapture
Ce fut une saison très tranquille en ce qui à trait aux recaptures. En fait, une seule Petite Nyctale a été recapturée le 2 octobre 2016. Cette femelle de deux ans a été baguée à l'OOT le 10 octobre 2015 en tant que HY. Il s'agit néanmoins d'une donnée intéressante, car le nombre de nyctales qui sont baguées initialement à Tadoussac et retrouvées au même site lors d'une autre saison est très faible.
Du nouveau avec les nyctales
L’équipe de l’OOT tente continuellement de bonifier et d’améliorer ses programmes de recherche et éducatif. Cette année, nous avons reçu une subvention de Protection des oiseaux du Québec, un partenaire de longue date de l’OOT, pour munir 10 Petites Nyctales d’émetteurs VHF, de manière à suivre de façon leur patron migratoire au Québec et possiblement dans le nord-est des États-Unis. Malheureusement, différents délais ainsi que des problèmes d’ajustement des harnais ont empêché l’équipe de pouvoir poser les émetteurs. Le projet est donc remis à l’an prochain et les émetteurs conservés précieusement.
Par ailleurs, l’OOT a aussi mis de l’avant un nouveau volet éducatif dans le cadre de l’activité d’interprétation offerte en collaboration avec le Parc national du Fjord-du-Saguenay. Cette activité était proposée tous les vendredi et samedi soir du 10 septembre au 8 octobre. L’OOT a obtenu un financement de 6000$ du Fonds pour dommages à l’environnement, afin de développer un volet de sensibilisation autour des impacts environnementaux de l’irrespect de la réglementation entourant la capture, le transport et le commerce des oiseaux migrateurs. Un dépliant d’information a aussi été produit.
Le Fonds pour dommages à l’environnement est un programme du gouvernement du Canada, administré par Environnement et Changement climatique Canada et se base sur le principe du pollueur-payeur. Lorsque des dommages sont infligés à l’environnement, les fonds provenant des amendes, des ordonnances de la cour et des règlements volontaires sont versés dans le fonds. L’argent est ensuite investi dans des projets prioritaires qui seront avantageux pour le milieu naturel.
Une règlementation sévère
Parmi les informations transmises aux visiteurs qui ont participé à l’activité, une emphase a été mise sur les différentes lois et conventions régissant les oiseaux migrateurs. Dans le cadre des activités de baguage, on spécifiait qu’il est nécessaire d’avoir un permis fédéral pour les espèces incluses dans la Convention sur les oiseaux migrateurs ainsi qu’un permis provincial (nommé SEG) pour les espèces sous sa juridiction, comme les nyctales.
Dans ce cadre, si vous voyez ou trouvez un oiseau bagué, vous pouvez le signaler sur le site web suivant : www.pwrc.usgs.gov/BBL/bblretrv/ ou en composant le numéro sans frais 1-800-327-BAND (2263). Le signalement d’oiseaux bagués représente une base d’information très importante pour les chercheurs.

Les activités de baguage sont effectuées dans un cadre scientifique suivant une réglementation stricte pour éviter les blessures et diminuer au maximum le stress des oiseaux. Photo par Isabelle Devost
Le commerce des oiseaux
Peu de gens connaissent les différentes réglementations dictant le commerce des oiseaux. L’OOT trouvait donc important de faire connaître le tout. Ainsi, selon la loi sur les oiseaux migrateurs, il est strictement interdit de prendre dans la nature, d’acheter, de vendre, de garder ou de transporter des oiseaux migrateurs vivants ou leurs œufs, à des fins d’aviculture, sauf en vertu d’un permis d’aviculture délivré par le ministre.
Certaines espèces qu’on peut transiger à l’échelle internationale font l’objet d’une surveillance accrue, en vertu de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
Cette convention a été adoptée le 1er juillet 1975 dans le but d’empêcher que le commerce international et le braconnage ne mènent à la surexploitation d’espèces de faune et de flore sauvages. À ce jour, plus de 170 pays sont membres de la Convention. Plus de 5 000 espèces d’animaux et plus de 29 000 espèces de plantes sont inscrites à la CITES. Au Canada, la convention est appliquée grâce à la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (LPEAVSRCII).
Fait étonnant, même si les chouettes et hiboux ne sont pas des espèces particulièrement visées à des fins commerciales au Canada, elles sont toutes incluses dans l’Annexe II de la CITES. Pourquoi?
Cette annexe inclut des espèces en péril ou des espèces (pas nécessairement en péril) qui sont semblables en apparence à d’autres espèces qui sont inscrites dans la convention. C’est le cas des chouettes et hiboux qui ne peuvent être distingués facilement, ce qui peut représenter un problème auprès des autorités frontalières. Il est possible d’effectuer du commerce avec ces espèces, mais des permis d’exportation sont strictement nécessaires, de manière à éviter une utilisation incompatible avec la survie de ces espèces dans la nature.
Remerciements
L’OOT tient de nouveau à remercier ses partenaires financiers qui ont permis de maintenir et bonifier son programme de surveillance des nyctales en 2016. Ces partenaires sont le Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, Protection des oiseaux du Québec et le Parc national du Fjord-du-Saguenay.
For all the people who don’t read french and want more information about this project, you can contact Pascal Côté, director of the observatory, by e-mail (pascal.cote.oot@gmail.com). Thanks.