5 avril 2016

SIFL_Alexandre_Corbeau

Sizerin flammé. Photo par Alexandre Corbeau

Depuis quelques semaines, des ornithologues de plusieurs régions au Québec ont noté un bon arrivage de fringillidés.  Le mois de mars est d’ailleurs reconnu comme une période cible pour observer le Tarin des pins et le Sizerin flammé aux mangeoires. Dans le cas du sizerin, l’espèce peut être parfois complètement absente à cette période-ci de l’année si la ressource alimentaire (semences de bouleaux, entre autres) était suffisante en forêt boréale.  Les printemps 2010 et 2014 ont ainsi été marqués par de très faibles abondances de sizerins. Ce phénomène cyclique est observé depuis des décennies et ne constitue pas une nouvelle en soit.

Toutefois, c’est la présence d’une autre espèce qui a causé une certaine surprise, du moins en ce qui me concerne. À mon poste d’alimentation à Québec, le Roselin pourpré a effectué un arrivage remarqué, étant même plus abondant que le Tarin des pins! Et à voir les rapports d’observation dans diverses régions, cette situation ne semble pas se limiter à ma chère mangeoire anti-écureuil!  Il s’agit en fait d’une demie surprise dans la mesure où le Roselin semble connaître une augmentation de ses effectifs depuis 2011 à l’Observatoire d’oiseaux de Tadoussac. Lors des saisons automnales 2014 et 2015, 4215 et 1346 roselins ont été dénombrés à l’OOT, ce qui est largement supérieur à la moyenne notée depuis 1996, soit 433 individus.

La fameuse tordeuse

IMG_4919

Roselin pourpré mâle adulte. Photo par David Turgeon

Ce n’est pas la première fois que j’aborde la question de cette espèce en lien avec l’épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette qui fait rage dans l’est du Québec depuis 2007.  Le Roselin pourpré est connu pour profiter de la présence de cette manne inespérée. Ses populations peuvent en période épidémique connaître des bonds significatifs. Néanmoins, outre nos observations à Tadoussac, l’espèce ne semblait pas faire un retour significatif à l’échelle de la province.

Les données eBird confirment en partie cette impression, puisque la fréquence d’observation de l’espèce sur l’ensemble des feuillets eBird soumis en mars pour toute la province ne dépassait pas 10% jusqu’en 2013. Depuis, cette fréquence ne cesse d’augmenter pour atteindre un pic en ce printemps 2016. Lors de la semaine du 22 mars, la fréquence a atteint pas moins de 28%! Au niveau de l’abondance, i.e. le nombre moyen d’individus observés sur tous les feuillets eBird soumis au Québec (incluant ceux où l’espèce n’a pas été notée), on observe que la marque des 2 individus a été surpassée pour la première fois depuis 2008, avec une moyenne de 3,24 individus.  Il serait intéressant de comparer ces chiffres avec les données ÉPOQ. Je ne serais pas surpris que la fréquence et l’abondance notées cette année n’aient de comparables que lors de la dernière épidémie.

.

ROPO_frequence_abondance

 .

Tordeuse et observations printanières, un lien réel?

Bien que les données disponibles pour analyser l’impact de l’épidémie sur la population du Roselin pourpré se limitent à 9 ans (ce qui est peu), je me suis amusé à voir s’il y avait une corrélation entre les observations de l’espèce à la fin mars (fréquence et abondance) et l’aire défoliée par la tordeuse dans l’ensemble de la province. Avec le pic d’abondance de cette année, les données sont en effet fortement corrélées! Pour les scientifiques, notons un r = 0,89 et p = 0,001 entre la fréquence d’observation en mars et la superficie nouvellement défoliée l’année précédente. Petite explication à ce sujet. La superficie totale de l’épidémie couvrait à la fin de l’été 2015 plus de 6,3 millions d’hectares! De ce total, 2 millions d’hectares se sont ajoutés dans la seule année 2015! Tel qu’on peut le voir dans le graphique ci-dessous, il s’agissait de loin de la plus grande progression en 1 seule saison de l’épidémie. En 2014, cette progression avait été de 1 million d’hectares alors qu’elle était «seulement» de 583 000 hectares en 2012.

Tordeuse_2006-15
.
Cette forte progression en 2015 a sûrement favorisé une bonne reproduction de l’espèce la saison dernière. Le tout combiné aux individus déjà plus nombreux depuis 3 et 4 ans, et voilà le scénario pour avoir du roselin en abondance dans le sud du Québec en mars 2016.

Évidemment cette analyse se base sur des données très préliminaires, il faudra atteindre encore quelques années pour déterminer l’impact réel de la tordeuse sur le roselin. Néanmoins, les observations de cette année sont de bon augure pour la suite des choses…

Contribuez au développement de l’OOT

Le 31 mars dernier, l’équipe d’Explos-Nature lançait une campagne majeure de financement dans le but de développer plusieurs projets stimulants, incluant ceux de l’Observatoire. Explos-Nature est l’organisation qui chapeaute l’OOT depuis sa fondation.

Avec cette campagne de financement, notre équipe souhaite stabiliser nos programmes réguliers de recherche (relevés visuels et baguage aux dunes) et développer de nouveaux projets. L’OOT entend participer activement au projet MOTUS en posant des émetteurs télémétriques sur diverses espèces. Grâce à un important réseau d’antennes permanentes dans tout l’est du continent, nous pourrions être en mesure de déterminer avec précision les trajets migratoires jusqu’à maintenant inconnus ou méconnus pour ces espèces. Mais pour ce faire, l’OOT a besoin de sous et de votre appui!

Vous pouvez contribuer en effectuant un don en ligne. Explos-Nature étant un organisme de charité, vous recevrez un reçu pour fin d’impôt pour tout don supérieur à 20$. Merci de votre soutien!!

Pour effectuer un don, cliquer sur le lien suivant : www.explosnature.ca/dons

Pascal Côté
Directeur de l’OOT