Mercredi, le 9 décembre 2015

Le début du mois de décembre marque le début de l’hiver ornithologique et indique aussi que les dunes de Tadoussac sont maintenant désertées de notre présence. Les relevés visuels, après 3 mois de suivi, se sont effectivement terminés le 25 novembre dernier.  Les données étant maintenant compilées, allons-y avec un bilan saisonnier par groupes d’espèces.

Les rapaces

Épervier brun juvénile

Épervier brun juvénile

Cette année, 7576 oiseaux de proie ont été identifiés en tant que migrateurs, il s’agit de la 7e meilleure saison en termes de nombre depuis 1994 et du plus haut total enregistré depuis 2008 alors que 7908 rapaces avaient été observés.  Le résultat de cette année s’explique essentiellement du fait de bons passages pour 2 espèces : l’Épervier brun et la Buse à queue rousse. Dans le cas de l’Épervier brun, de bons, voire d’excellents, passages sont notés de façon continue depuis 2007. Les 3704 individus recensés en 2015 constituent un nouveau record pour l’OOT et représentent le 5e total annuel supérieur à 3000 oiseaux depuis 2007. Tel que mentionné dans le bilan de fin de saison 2014, il est fort probable que l’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette, qui se poursuit de plus belle sur la Côte-Nord, soit en partie la cause indirecte de ses bons mouvements. Cette chenille qui est une source de nourriture pour plus d’une dizaines d’espèces de passereaux favoriserait un bon succès reproducteur chez ces passereaux. Le garde-manger de l’Épervier serait donc bien garni dans la région.

Quant à la Buse à queue rousse, les 1188 individus observés cette année contrastent fortement avec les résultats obtenus en 2014, soit seulement 643 buses (un plancher historique).  Ce total est néanmoins loin des années record à la fin des années 1990 où plus de 3000 buses étaient notées aux dunes.

D’autres espèces ont aussi connu une excellente année, on compte notamment l’Aigle royal (39), le Faucon pèlerin (90), l’Autour des Palombes (146) et le Pygargue à tête blanche (222) qui ont tous établis de nouveaux records. Considérant que 3 de ces 4 espèces sont sur la liste des espèces en péril au Québec et/ou au Canada, il s’agit nécessairement de bonnes nouvelles!

Les Buses pattues se font moins abondantes à l'OOT.

Les Buses pattues se font moins abondantes à l’OOT.

Sur une note moins positive, notons que le déclin de la Buse pattue se poursuit avec un autre total annuel sous la barre des 100 individus (72). À titre comparatif, aucune saison entre 1996 et 2008 n’avait connu un décompte inférieur à 100 buses, avec des sommets atteignant plus de 500 individus en 1998, 1999 et 2003.

Olivier Barden, le recenseur en poste cette année, a aussi eu quelques surprises au courant de ces 3 mois, soit l’observation d’une Buse de Swainson et de 2 Faucons gerfauts!

Les passereaux

L’automne 2015 aura été exceptionnel pour les passereaux, que ce soit au niveau du nombre total d’oiseaux observés ou la quantité de raretés découvertes. D’une part, en ce qui à trait à l’amplitude du mouvement migratoire chez les passériformes, la marque des 200 000 oiseaux dénombrés a pour la première fois été atteinte depuis l’inclusion de ce groupe d’espèces dans les relevés visuels en 1996. Toutefois les mois d’août et septembre ne prédisaient en rien un tel déferlement d’oiseaux. En effet, certaines espèces migrant à cette période ont connu des passages sous la moyenne. C’est le cas du Jaseur d’Amérique avec un total de 933 individus (moy. de 1903 et sommets pouvant atteindre plus de 4000 ind.) et du Quiscale rouilleux (147 ind., max pouvant atteindre plus de 400 oiseaux).

C’est à partir des derniers jours du mois de septembre que l’action a véritablement commencé avec 2 passages intenses de Parulines à croupion jaune, le 30 septembre et le 1er octobre. Ainsi, 2350 et 2688 parulines ont migré lors de ces 2 matinées, ce qui a largement contribué à battre l’ancien record saisonnier établi en 2013 ( à 6372 ind.) avec un impressionnant total de 7819 parulines! Au même moment, débutait un passage significatif de Tarins des pins. Les totaux quotidiens étaient d’abord de l’ordre de 100 à 500 individus pour ensuite passer à plus de 1000, voire 2000 tarins par jour, à partir de la mi-octobre.  Le total de la saison s’établira finalement à 27 935 oiseaux!!

La déferlante des sizerins

IMG_2076Il est bien connu que la spécialité de l’OOT est les espèces nordiques en particulier la famille des fringillidés qui comprend les durbecs, gros-becs, sizerins, roselins, chardonnerets et tarins. Comme à l’habitude, les premiers mouvements intéressants de sizerins et durbecs ont débuté aux alentours du 20 octobre. Toutefois, contrairement au patron régulier, on a eu droit à une vague sans précédent de Sizerins flammés. À partir du 26 octobre jusqu’au 17 novembre, 14 matinées ont été maquées par des passages supérieurs à 2000 sizerins, dont 2 passages supérieurs à 5000 oiseaux et 6 passages avec plus de 10 000 individus! Seulement lors des journées du 27 et 31 octobre, 33 710 et 55 110 sizerins ont été dénombrés. Ces chiffres sont du jamais vu à l’échelle mondiale. Aucun mouvement de cette ampleur n’avait été observé auparavant en Amérique du Nord ou en Europe.  Les 208 862 sizerins dénombrés cette année constituent un record plus qu’impressionnant. À un point tel que l’OOT a eu une magnifique visibilité à l’échelle continentale, et ce, grâce à Ron Pittaway, un spécialiste des passereaux boréaux, qui transférait l’information sur plusieurs réseaux d’ornithologues au Canada anglais et aux États-Unis.

Dans le cas du sizerin, l’OOT a réellement joué un rôle de sentinelle quant à la détection de cette éruption majeure, puisque dans les journées et semaines qui ont suivi, des sizerins ont été observés dans le sud de l’Ontario, sur la côte est Atlantique (Cape May) et dans les maritimes.  L’ampleur de l’éruption se reflète également dans les recensements effectués au Hawk Ridge bird observatory qui se trouve près de Duluth au Minnesota, le long du Lac Supérieur. Ainsi, plus de 60 000 sizerins ont été dénombrés en novembre à cet observatoire, un nouveau record pour eux aussi. De ce fait, on peut s’attendre à avoir à la fin de l’hiver de bonnes quantités de sizerins à nos mangeoires lors de la migration vers le nord de cette espèce.

Une période forte en émotion

Beaucoup d'adultes chez le Durbec, cette année

Beaucoup d’adultes chez le Durbec, cette année

La période d’un mois comprise entre le 15 octobre et le 15 novembre a été d’une rare intensité. Outre les sizerins, des gros passages ont été notés pour d’autres espèces de passereaux. C’est entre autres le cas du Merle d’Amérique. Ainsi, le 18 et 23 octobre, 2191 et 1631 merles ont été observés en migration. Le total de 4616 merles pour la saison est le 2e plus haut résultat obtenu en 20 ans de suivi! Dans le cas du Durbec des sapins, on a eu droit à quatre passages supérieurs à 500 individus pour un total annuel de 6658 individus. Bien que ce résultat soit inférieur à celui de l’an dernier où plus de 10 000 durbecs avaient été dénombrés, il s’agit d’un résultat bien au-delà de la moyenne annuelle. Fait intéressant, les données de baguage obtenues à partir de 329 durbecs bagués entre le 21 octobre et le 6 novembre, indiquent un taux de juvénile inférieur à 50% (soit 46%). Le tout contraste fortement avec les données obtenues en 2014 alors que 91% des durbecs étaient des jeunes de l’année. Il est fort possible que malgré l’expansion de l’épidémie de tordeuse en 2015, le Durbec des sapins ait connu un succès reproducteur faible.

La belle surprise cette année provient d’une autre espèce arctique : le Plectrophane des neiges. Les 3029 individus recensés sont du jamais vu à l’OOT. Il faut dire que notre observatoire n’a jamais eu de mouvement migratoire significatif pour cette espèce avec des passages essentiellement inférieurs à 500 individus par année. Est-ce un prélude à un hiver exceptionnel pour les plectrophanes? Espérons-le!

Les nyctales

1104-02021 (3)Le suivi des nyctales s’est déroulé cette année du 4 septembre au 30 octobre. Aux commandes de ce programme de baguage se sont succédé Geneviève Perreault et Patrick Bérubé. Au total, c’est 205 Petites Nyctales et 8 Nyctales de Tengmalm qui ont été capturés dans nos filets. Du côté de la Petite Nyctale, il s’agit de la 3e année en 4 ans où le nombre d’individus est supérieur à 200 individus. Quant à la proportion de juvéniles, il s’établit à 68%.

Pour ce qui est de la Nyctale de Tengmalm, les nombres obtenus correspondent aux attentes. En effet, l’OOT s’attend à une éruption hors de la forêt boréale en 2016, suivant le cycle de 4 ans noté depuis 1996. De ce fait, l’année qui précède une éruption est généralement marqué par un nombre très faible de captures.

Merci!

L’équipe de l’OOT tient à remercier tous les ornithologues et bénévoles qui ont fait de cette saison, un magnifique succès! De plus, un grand merci à tous les donateurs et bailleurs de fonds qui font en sorte que l’OOT a pu opérer ses programmes de recherche en 2015. Merci à Protection des oiseaux du Québec, Environnement Canada, au Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, à la Municipalité de Tadoussac et à tous les commanditaires du Festival des oiseaux migrateurs de la Côte-Nord.