Lundi 2 octobre 2017
Le mois de septembre étant maintenant terminé, un bilan de mi-saison s’imposait. Il est indéniable que les derniers 30 jours ont été riches en oiseaux, particulièrement du côté des rapaces. Débutons d’ailleurs ce bilan par ce groupe d’espèces.
Les rapaces
Plusieurs rapports à l’échelle nord-américaine indiquent que les oiseaux de proie diurnes (faucons, buses, éperviers, pygargues, etc.) connaissent de façon générale une augmentation de leurs effectifs depuis plus de 30 ans. Certaines espèces demeurent sous observation, que ce soit le Faucon pèlerin, dont le rétablissement se fait à un rythme modéré ou la Crécerelle d’Amérique qui a semblé connaître un déclin entre les années 2000 et 2010.
Pour cette dernière espèce, les inquiétudes étaient grandes en 2009, alors que seulement 329 individus étaient recensés aux dunes de Tadoussac. Ce résultat était loin en deçà des meilleures années (1999 et 2000) où plus de 1000 crécerelles avaient été dénombrées. Heureusement, depuis les 8 dernières années, la situation semble s’être stabilisée dans l’est du continent pour cette espèce. À Tadoussac, la moyenne de 687 individus notée entre 2010 et 2016 nous rassure quant à la tendance des populations nichant en forêt boréale. Et que dire pour l’automne 2017! Le total saisonnier jusqu’à maintenant est de 1326 individus! Il s’agit du 3e plus haut total enregistré à Tadoussac et le premier décompte supérieur à 1000 crécerelles depuis l’an 2000.
La Crécerelle d’Amérique n’est pas la seule à connaître un automne exceptionnel. On ne peut passer sous silence les 4055 Éperviers bruns recensés depuis le 24 août! Pour la première fois de notre histoire, la barre des 4000 éperviers a été franchie. Cette marque s’inscrit dans une tendance à la hausse observée depuis 2007 à Tadoussac. Bien que le tout demeure une hypothèse, l’équipe de l’OOT croit que ces effectifs constamment élevés sont causés indirectement par l’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette. En effet, la tordeuse représente une ressource alimentaire très importante pour certaines espèces de passereaux, en particulier pour 3 espèces de parulines (obscure, tigrée et poitrine baie). L’épidémie aurait donc favorisé une explosion des populations de ces oiseaux qui sont une excellente source de nourriture pour l’Épervier brun. Le tout aurait donc contribué à un succès reproducteur très élevé chez l’épervier depuis les 10 dernières années. Fait intéressant, un peu moins de la moitié des éperviers notés cette année, ont été dénombrés dans la seule journée du 9 septembre avec un record journalier de 1778 individus!
La Faucon émerillon semble suivre une tendance des populations similaire à celle de l’épervier, alors que le total annuel en 2017 s’élève à 199 individus, soit le meilleur résultat depuis 2007. La moyenne annuelle pour cette espèce est de l’ordre de 124 individus. Quant au fameux Faucon pèlerin, on a eu droit à quelques bonnes matinées vers la fin du mois, permettant déjà d’atteindre la barre des 90 individus. En date du 30 septembre, il s’agit du 3e meilleur résultat en 25 ans de suivi!
Le Balbuzard pêcheur peut connaître des variations interannuelles assez importantes. Depuis 1994, les totaux saisonniers varient de 100 à 440 individus. Cette année, l’observation en date du 30 septembre de 297 balbuzards est notable. Il s’agit en effet du 2e plus haut résultat au courant des 10 dernières années, relativement loin dernière les 392 individus notés l’an dernier.
Quant aux autres espèces de rapaces, soit la Buse à queue rousse, le Pygargue à tête blanche et l’Aigle royal, on aura un meilleur aperçu de leur situation pour 2017 à la fin du mois d’octobre.
Les passereaux
Au début septembre, il était déjà évoqué que le Jaseur d’Amérique semblait connaître une année hors du commun. Eh bien, le tout est confirmé, puisque le total s’élève maintenant à 12 848 individus. En soustrayant les oiseaux dénombrés entre 7h et 8h a.m. (heure qui a été ajoutée au protocole en 2006), on arrive à 8777 jaseurs. Ces deux totaux sont du jamais vu à l’OOT! À titre comparatif, la moyenne annuelle (excluant les oiseaux de 7h à 8h), est de 1877 jaseurs.
Outre les jaseurs et certaines espèces de parulines qui ne sont pas des espèces suivies de façon adéquate à l’OOT, aucune autre espèce de passereaux n’a connu un mois de septembre hors norme. Les 1460 Alouettes hausse-col et les 1884 Pipits d’Amérique sont légèrement au-dessus des moyennes annuelles notées entre 1996 et 2016. Les 720 Quiscales rouilleux sont aussi un bon résultat, mais loin derrière les 3042 observées en 2016.
Quant à nos espèces « vedettes » de la famille des fringillidés, on assiste à un départ lent et prévisible. Ainsi, seulement 49 Bec-croisés bifasciés et 90 Gros-becs errants ont été observés, tandis qu’on s’attend un bon passage pour ces 2 espèces en 2017. Dans le cas du Bec-croisé bifascié, de bons nombres d’individus ont été notés en forêt boréale à partir du mois de juillet. Cet arrivage est certainement dû à la bonne production semencière des épinettes blanches cette année. L’espèce a dû profiter de cette manne pour se reproduire à la fin de l’été et est en attente d’un départ, une fois que les cônes seront tombés vers la fin octobre. De façon similaire, le départ des Gros-becs errants sera sûrement retardé du fait de la belle abondance de semences. Un tel scénario est aussi à prévoir pour le Roselin pourpré (déjà 611 individus pour cette année), le Durbec des sapins et le Jaseur boréal qui pourront profiter d’une sur-abondance de fruits de sorbier d’Amérique cet automne. Il n’est pas à exclure que le passage de ces deux dernières espèces soit faible à l’OOT, les populations étant retenues plus au nord par l’abondance de fruits.
Pour terminer avec les relevés visuels, petite parenthèse concernant le Goéland brun. Cette espèce d’origine européenne a connu une augmentation significatif de ses effectifs depuis les année 1970. Nichant originellement jusqu’en Islande, on le retrouve maintenant au Groenland en période de nidification. De plus en plus d’oiseaux sont observés en Amérique du Nord, et ce, dès la fin de l’été. Le Québec ne fait pas exception et cette année, les nombres observés en migration vers le sud-ouest à Tadoussac ont atteint des sommets. Depuis le 24 août, pas moins de 112 individus ont été détectés aux dunes de Tadoussac. L’an dernier, le total s’élevait plutôt à 54 goélands, ce qui était déjà exceptionnel.
Les nyctales
À pareille date l’an dernier, il devenait évident que l’éruption attendue de Nyctales de Tengmalm n’allait pas avoir lieu. Il faut dire que depuis l’instauration de ce programme de baguage nocturne en 1996, cette espèce avait effectué une éruption au sud de la forêt boréale suivant un cycle régulier de 4 ans. L’OOT avait d’ailleurs montré que ce cycle était régulé par l’abondance du Campagnol à dos roux de gapper. Résumons ainsi : lors des années où les populations de campagnols sont très faibles, les Nyctales de Tengmalm en manque de nourriture quittent leur habitat régulier pour se déplacer plus au sud. En 2016, un total de 22 Nyctales de Tengmalm avaient été capturées, loin derrière les années « éruptives » où plus de 100 individus sont bagués à l’OOT.
Pour 2017, nous en sommes déjà à 31 captures en date du 30 septembre. Sachant que la majorité des individus de cette espèce migrent au mois d’octobre, on peut donc annoncer que si la tendance se maintient 2017 sera une année d’éruption pour la Nyctale de Tengmalm. L’espèce sera sans nul doute observée à quelques endroits près du Saint-Laurent cet hiver!
Pour ce qui est de la Petite Nyctale, l’équipe de baguage nocturne a eu la chance de baguer 98 individus depuis le 8 septembre. Ce résultat semble indiquer que 2017 sera une année similaire à celles de 2008 et 2012, qui avaient aussi été marquées par une éruption de Nyctales de Tengmalm et où plus de 100 Petites Nyctales avaient été capturées. Les données préliminaires indiquent que seulement 25% des individus sont des jeunes de l’année, signe que l’abondance de micro-mammifères a dû être assez faible cet été en forêt boréale.
Le baguage des passereaux
Cette année encore, l’OOT gère deux stations de baguage de passereaux à l’automne, l’une à Tadoussac et une seconde à la Réserve nationale de faune du Cap-Tourmente.
Cette dernière station qui en est à sa troisième saison, est en fonction depuis le 15 septembre et terminera ses activités le 22 octobre prochain. Pour les 2 premières semaines d’activités, 1237 oiseaux de 47 espèces ont été bagués au Cap-Tourmente. L’espèce la plus abondante est sans contredit le Roitelet à couronne rubis qui a été capturé à 443 reprises, loin devant le Bruant à gorge blanche avec 331 individus bagués. Le trio de tête est complété par la Paruline à tête cendrée avec 52 individus. Fait étonnant, très peu de grives ont été capturées dans nos filets comparativement à l’an dernier.
À Tadoussac, les grives se sont fait abondantes. Il faut dire que l’Observatoire cible la Grive à dos olive et la Grive à joues grises en utilisant une technique combinant des filets japonais à des systèmes d’appel. Le but de cet exercice est la pose d’émetteurs VHF sur ces deux espèces dans le cadre d’un projet de maîtrise effectué par Camille Bégin-Marchand, étudiante à l’Université Laval dans le laboratoire d’André Desrochers. Au total 222 Grives à dos olive ont été baguées et 21 ont été munies d’un émetteur. Pour la Grive à joues grises, les résultats ont été très bons avec la capture de 58 individus dont 32 ont été munis d’un émetteur. Ajoutons à cela, une capture d’une Grive de Bicknell!
Le Quiscale rouilleux est aussi une espèce cible, et ce, depuis 2007. Cette année, l’OOT a reçu une subvention de Protection des oiseaux du Québec pour la pose d’une vingtaine d’émetteurs sur cette espèce. En date du 30 septembre, 19 quiscales ont été munis d’un émetteur, ce qui est un résultat fort satisfaisant considérant la difficulté à capturer cette espèce.