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Chenille de tordeuse. Photo tirée du site web du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.

La tordeuse des bourgeons de l’épinette est une espèce de papillon qui pond ses œufs pendant l’été sur les aiguilles de conifères, en particulier sur celles de sapin baumier et des trois espèces d’épinette (rouge, blanche et noire). Au printemps suivant, les chenilles de la tordeuse se nourrissent des aiguilles, bourgeons, fleurs et pousses annuelles des arbres hôtes. En petite densité, l’espèce cause des dégâts limités à certains peuplements. Toutefois, de façon ponctuelle, les populations de tordeuse explosent et se développent en larges épidémies qui sont de véritables cauchemars pour les forestiers. Dans l’est du continent américain, de tels épidémies ont eu lieu en 1910-1920, 1945-1955 et 1968-1985 et ont résulté respectivement en la défoliation de 10, 20 et 55 millions d’hectares de forêt!

Avec l’étendue de la dernière grande épidémie et considérant le fait que la tordeuse semble préférer les peuplements plus âgés, on se croyait à l’abri d’une autre explosion de population au Québec. Or, on a eu droit à une belle surprise en  2009 alors que la tordeuse est revenue en force, en particulier sur la Côte-Nord. On peut voir sur le graphique tiré du dernier Rapport du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs publié en septembre 2014 que l’épidémie est en constante croissance et atteint maintenant près de 4,3 millions d’hectares!

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On peut aussi voir sur la carte suivante que l’épidémie qui se limitait d’abord à la Côte-Nord et au Saguenay-Lac-St-Jean s’est propagée cette année au Bas-St-Laurent et à la Gaspésie. Et alors? Ceci n’est pas un blogue sur les oiseaux? Oui! Et c’est là que ça devient intéressant. La tordeuse, lorsqu’elle devient abondante, constitue une importante source de nourriture pour certaines espèces d’oiseaux qui peuvent alors connaître un succès reproducteur très élevé. En découle une croissance rapide des populations de ces espèces.

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Gros-bec, parulines et roselin

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Gros-bec errant, mâle adulte.

L’espèce la plus connue au Québec qui a profité de la dernière épidémie est sans nul doute le Gros-bec errant. Comment oublier l’invasion des gros-becs aux mangeoires lors des hivers des années 1980? Les kilos de tournesol disparaissaient à vitesse grand V, au grand désarroi (et plaisir?!) des ornithologues du sud du Québec. Bien qu’on soit encore loin de l’étendue de l’épidémie de 1968-1985 (la présente épidémie ne couvre que 7% de cette fameuse infestation), on peut déjà s’attendre à voir un retour de cette espèce dans les prochaines années.

Outre le Gros-bec, certaines espèces de parulines profitent aussi de cette manne, dont la Paruline tigrée, la Paruline à poitrine baie et la Paruline obscure. Cette dernière espèce semble à première vue répondre avec le plus de vigueur à la présente épidémie. Les nombres recensés à l’OOT depuis 2009 n’ont jamais été aussi élevés tandis que l’Observatoire d’oiseaux de McGill a connu au printemps dernier un nombre record de captures pour cette espèce. Quant aux autres espèces de parulines, elles semblent beaucoup plus facile à observer en migration depuis 2-3 ans dans le sud de la province.

Et le Roselin pourpré dans tout ça? Il s’agit souvent de l’espèce qu’on associe le moins à la tordeuse et qui  a eu pourtant une réponse significative à la dernière épidémie. Un article publié en 2004 dans la revue American Birds par Nicholas Bolgiano montrait que l’espèce a été beaucoup plus abondante dans certains secteurs de son aire normale d’hivernage pendant les périodes épidémiques. Le graphique suivant montre d’ailleurs que l’espèce était davantage détectée lors du Recensement des oiseaux de Noël sur la côte est américaine pendant ces périodes, en particulier dans les années 1980. D’autres articles avaient d’ailleurs mentionnés que le Roselin pourpré était l’un des consommateurs les plus prolifiques de tordeuse.

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Graphique obtenu à partir des données de la National Audubon Society (2010).

 

 Le Roselin pourpré et l’OOT : année faste!

Depuis le début des recensements de passereaux à l’OOT en 1996, les nombres de Roselin pourprés observés en migration étaient assez faibles. La moyenne d’individus recensés entre 1996 et 2010 était d’ailleurs de 220 individus. Quant on sait que pour d’autres espèces de fringillidés, il arrive de noter de façon régulière des passages de plus de 5000, voire 15 000 oiseaux, le roselin faisait figure de parent pauvre.

Or il semble que la situation soit en train de changer. En 2011, un record a été établi au site côtier avec le dénombrement de 1100 oiseaux, dont 660 dans la seule journée du 4 novembre. Une journée mémorable où pluie, neige et vents se mêlaient à travers les roselins et durbecs en migration.

Ce record se devait d’être battu et l’attente fut de courte durée! En effet, du 9 au 14 octobre dernier, pas moins de 1903 roselins ont été observés au belvédère Yvan-Duchesne, dont 933 individus dans la seule journée du 10 octobre!!! Ce mouvement est d’autant plus surprenant qu’il est relativement hâtif pour cette espèce. Il sera intéressant de voir si d’autres bonnes journées seront comptabilisées à la fin octobre et au début novembre.

Para ailleurs, considérant que les 2 plus hauts totaux annuels aient été notés depuis 2011, on peut penser qu’il y a un lien probable entre la prolifération de la tordeuse sur la Côte-Nord et ces passages significatifs. L’OOT s’attend ainsi à ce que l’espèce connaisse d’autres bonnes années dans un futur rapproché.

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Les données incluent seulement les observations effectuées après 8h00 a.m. pour une standardisation entre les années.

 

D’autres nouvelles de l’OOT

Outre le Roselin pourpré, une autre espèce de fringillidé connait une bonne année : le Tarin des pins.  Depuis le début de la saison, 6101 individus ont été dénombrés, ce qui constitue déjà le 6e plus haut total enregistré en 19 années de suivi. La meilleure journée jusqu’à maintenant a été celle du 11 octobre avec le passage de 888 individus.

Parmi les observations intéressantes, notons la présence de 2 Bruants des plaines au début octobre, du passage de 2 Dickcissels d’Amérique au courant de la dernière semaine et de la présence de quelques mouettes rares au bas des dunes (Mouette pygmée et Mouette rieuse).

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L’une des Petites Nyctales recapturées cette année à l’OOT

Du côté du baguage, les Petites Nyctales connaissent finalement une année digne de ce nom. En date du 13 octobre, 190 nyctales ont déjà été capturées, dont 61% sont des oiseaux de première année.  Fait surprenant, l’OOT connaît un véritable festival des recaptures avec la prise de 9 oiseaux bagués dans d’autres observatoires aux États-Unis. Une première Nyctale de Tengmalm a également été baguée lors de la nuit du 10 octobre.

Sur ce, bonne migration!