Mardi 10 mai 2016.
Le printemps est généralement une période forte en émotions pour les ornithologues qui sont en attente depuis plus de 4 mois de l’arrivée des migrateurs. Le summum émotif survient au mois de mai, alors que les passereaux néotropicaux, en particulier les parulines, arrivent dans nos régions qu’on pourrait qualifier de très nordiques cette année. Il ne fait aucun doute que le printemps 2016 a su créer une frustration collective chez la communauté ornithologique québécoise. Le retard au niveau des passereaux migrateurs est plus que notable. Les vents défavorables combinés au froid saisissant ont grandement limité l’arrivée hâtive des oiseaux. De plus, l’absence continuelle de vents migratoires, i.e. du sud-sud-ouest, entre le 25 avril et 7 mai a fait en sorte de diluer la concentration des oiseaux. La migration des juncos a passé presqu’inaperçue cette année, alors que d’autres printemps, on peut voir cette espèce en fortes concentrations sur presque tout le sud du Québec.
Samedi dernier, le 7 mai, j’ai écrit un message sur le forum ornitho-qc en prédisant une migration intense pendant la nuit suivante. Les conditions étaient enfin favorables à un départ massif d’oiseaux des États-Unis vers le Québec. Eh bien, le résultat n’aura pas été à la hauteur de mes attentes. Il y a bien eu un arrivage d’oiseaux. Samuel Denault qui s’était déplacé le 8 mai au Mont-Royal a pu observer 6 espèces de parulines et de bons nombres (quelques centaines) de Bruants à gorge blanche. Des observations du même ordre ont été effectuées dans divers secteurs. Rien d’exceptionnel.
En analysant les radars aux États-Unis, j’ai pu comprendre mon erreur. En fait, je n’avais pas suffisamment considéré la grande distance où se trouvait la masse de néotropicaux par rapport au Québec. Comme on peut le voir sur l’image ci-dessous, les radars qui ont en début de nuit montré une très forte densité d’oiseaux (à 23h41) se trouvaient en Pennsylvanie, New-Jersey et dans les environs. Les radars en Nouvelle-Angleterre indiquaient une activité migratoire réduite pour la première moitié de la nuit. Ce n’est que tôt dimanche matin que le radar d’Albany dans l’État de New-York a montré un arrivage important, sans être de la même ampleur que ce qu’on a pu voir plus au sud. Le radar à Burlington a connu le même phénomène avec une plus faible amplitude.
Les néotropicaux étaient donc trop au sud pour se rendre en une nuit au Québec. Les Bruants qui se trouvaient plus au nord en ont profité pour se déplacer dans plusieurs secteurs du Québec. Ils semblent avoir été accompagnés par une petite quantité de parulines.
.
Et l’espoir renaît!
Après un dimanche et lundi qu’on pourrait qualifier de pathétique au niveau météorologique (la neige, ça suffit!!), les conditions semblent vouloir s’améliorer significativement d’ici la fin de la semaine. En ce mardi soir, les vents nord-ouest qui ont soufflé avec intensité toute la journée ont diminué sur l’ensemble du sud et du centre du Québec. La situation est similaire dans l’est des États-Unis. Les radars dans l’État de New-York et du Vermont à 21h45 montrent un déplacement modéré des oiseaux vers le nord-est. Le tout pourrait bien marqué le début de la première grande vague de néotropicaux, tant attendue.
Cette vague pourrait particulièrement déferler lors de la nuit de jeudi et possiblement vendredi. La nuit de mercredi ne sera pas négligeable, mais au courant de la journée de jeudi, l’approche d’une dépression en provenance des Grands Lacs va entrainer des vents du sud dans un large corridor s’étendant de la Virginie au Québec. Les oiseaux devraient alors migrer en grande quantité. Pour ce qui est de vendredi, la dépression passera sur la province et les précipitations devraient perdurer pour certaines régions pendant une bonne partie de la nuit. Toutefois, les prévisions actuelles indiquent que le gros des précipitations seront terminées en début de nuit pour le sud-ouest du Québec et seront suivies par des vents du sud. Un scénario de migration nocturne de belle intensité! La journée de samedi, qui est la Journée internationale des oiseaux migrateurs, pourrait donc être très bonne côté ornithologique.
Notre patience a été mise à dure épreuve, mais la fin du supplice approche. Ornithologues à vos jumelles!