La mi avril est typiquement marqué par l’arrivée de milliers d’Oies des neiges dans la vallée du Saint-Laurent. Un spectacle magnifique qu’on peut observer dans plusieurs régions du Québec et qui est apprécié par un vaste public.
À travers cette horde d’amants de la nature, il se pourrait que vous rencontriez aux abords d’un champ agricole, un étudiant observant attentivement des groupes d’oies, prenant notes et photographies. Cet étudiant, c’est Pierre-Alexandre Dumas, bagueur à l’OOT à l’automne 2013, qui effectue sa maîtrise dans le laboratoire de Marc Bélisle, à l’Université de Sherbrooke.
Il a gentiment accepté d’être le premier collaborateur invité de ce blogue, afin d’expliquer son projet. À lui la plume.
******
L’oie et les champs agricoles
Dans la décennie 1990, plusieurs mesures de conservation ont été implantées pour diminuer et stabiliser la population de la Grande Oie des neiges vers une taille cible entre 400 et 600 milles individus. Or, vingt ans après l’instauration de ces mesures, cette espèce est toujours classée comme surabondante. En addition, lors de leurs migrations automnale et printanière les marais à scirpe du fleuve Saint-Laurent ne peuvent soutenir toute la population d’oies, donc les Oies des neiges se nourrissent de plus en plus dans les champs agricoles. Il en résulte une constante hausse des dommages aux cultures causés par ces oiseaux, en 2012, il y a eu des réclamations pour 8 000 hectares de champs agricoles.
Depuis quelques années, les gestionnaires tentent d’atteindre la taille de population cible pour cette espèce et de réduire les dommages agricoles pour éviter les problèmes écologique. Toutefois, il ne faut pas compromettre l’apport économique (tourisme et chasse sportive) en région créé par les oies. Mon projet de maîtrise s’inscrit dans cet objectif. Effectivement, dans le cadre de mon étude, je vais tenter de répondre à la question suivante : Quels sont les effets de l’agriculture et du paysage de la peur sur l’utilisation de l’habitat de la Grande Oie des neiges? Donc, l’objectif de mon projet est de trouver quels sont les facteurs qui influencent l’utilisation des champs par la Grande Oie des neiges.
Le paysage de la peur
Tout d’abord, il faut définir ce qu’est un paysage de la peur. Un paysage de la peur est une représentation 3D du risque de prédation, le plan X:Y représente les caractéristiques physiques du paysage et l’axe des Z représente l’intensité du risque de prédation. La figure 11 est une image théorique d’un paysage de la peur, en X et Y se trouvent les coordonnées géographiques et en Z le risque de prédation.
Il est important d’étudier le paysage de la peur, car l’intensité du risque de prédation va entrainer une modification des comportements de la proie. Un risque de prédation élevé dans une région va entrainer un taux de vigilance plus important dans cette région et une utilisation plus faible de celle-ci, ce qui va affecter l’efficacité à s’alimenter. Un autre point à considérer est que ce ne sont pas toutes les structures du paysage qui vont « dégager » le même risque de prédation. En effet, la proie associera un risque de prédation à une structure proportionnellement à l’utilisation de cette structure par le prédateur. Finalement, les seuls prédateurs d’importance de l’Oie des neiges en migration, ce sont les humains, via la chasse, ceci implique donc que le risque de prédation perçu et les comportements anti-prédateurs qui en résultent sont tous d’origine humaine.
Mon projet à pour objectif d’étudier les effets de la structure physique des champs et les effets de la chasse sur la sélection des sites d’alimentations par les oies. Ceci dans le but d’évaluer le potentiel d’utiliser la structure du paysage pour diminuer les dommages agricoles au Québec causés par les oies. Voici mes hypothèses pour mon projet :
- Premièrement, les champs de maïs de grandes superficies uniformes (carré et sans structure) seront les plus utilisés.
- Les dortoirs situés dans un paysage composé d’une majorité de grands champs de maïs et de grands champs de foin seront les plus utilisés par les oies.
- Le risque de prédation sera plus élevé en bordure des champs et près des bordures qui peuvent cacher des chasseurs plus facilement. De plus, dans les régions où la pression de chasse est plus élevée, le risque perçus sera plus élevée.
Les données que je vais utiliser pour mes analyses proviennent de deux sources. Premièrement, je vais utiliser des localisations provenant de 87 émetteurs GPS sur une période de 5 ans, pour un total de près de 60 000 localisations au Québec. Je vais pouvoir utiliser ces données pour analyser les effets de la géométrie des champs. Deuxièmement, je vais effectuer des observations sur le terrain pour étudier les comportements anti-prédateurs. Je vais parcourir la rive Sud du fleuve Saint-Laurent entre L’Islet et Valleyfield, où je vais chercher les groupes d’oies. Je vais noter précisément dans quel champ les oies se situent et quelle est la culture de celui-ci. Ensuite, je vais utiliser la digiscopie (photographie à l’aide d’un télescope) pour enregistrer les comportements des oies à un moment donné pour une zone du groupe donnée.
Ensuite, j’analyserai le taux de vigilance sur ces photographies en fonction de différentes variables tels que la distance à l’obstacle le plus près, la météo, la densité d’oies, etc. À l’aide de ces données, je vais construire trois modèles statistiques pour étudier le potentiel des structures du paysage pour diminuer les dommages aux cultures.
Ce projet est réalisable grâce au financement de l’Université de Sherbrooke, du Professeur Marc Bélisle, du Professeur Joël Bêty, du Professeur Jean-François Giroux et de Josée Lefebvre.
1: Laundré, J.W., Hernández, L. & Altendorf, K.B. (2001) Wolves, elk, and bison: reestablishing the “landscape of fear” in Yellowstone National Park, U.S.A. Canadian Journal of Zoology, 79, 1401–1409.
C’est passionnant. C’est un plaisir de vous lire.
Merci
Bonne journée.
Hélène
Je te souhaite bon succès dans tes recherches et cela est très intéressant, autant pour les cultivateurs que pour les chasseurs.
Merci pour ta passion envers ces magnifiques oiseaux,
Bonne journée,
André