Samedi, 1er octobre 2016.
Crédit : Cloé Rousseau
Pour une seconde année, une équipe de baguage de l’OOT œuvre à la Réserve nationale de faune du Cap-Tourmente, et ce, depuis le 16 septembre dernier. Contrairement à l’an dernier qui avait été marqué par une saison de baguage particulièrement tranquille, le nombre d’oiseaux aux filets est très élevé en 2016. Malgré tout, aucun oiseau pouvant représenter une mention notable n’avait été observée ni baguée jusqu’à maintenant.
En ce samedi matin, l’équipe dirigée par Pierre-Alexandre Dumas a eu la surprise de capturer un Pioui dans l’un de ses filets. Un bénévole d’expérience, Jean-Michel Lagueux-Tremblay, a alors suggéré de prendre les mesures pour s’assurer qu’il s’agissait bien d’un Pioui de l’Est, considérant la date relativement tardive. Or la surprise fut grande, très grande!
Le guide d’identification de Peter Pyle (1997) Identification guide to North American Birds utilisé comme référence par tous les bagueurs du continent décrit plusieurs critères morphologiques pour distinguer les 2 espèces qui sont très semblables.
La formule magique
Ainsi, il mentionne une formule qui tient compte des mesures suivantes :
La différence de longueur entre la plus longue sous-caudale et le bout de la queue. Mesure qui peut varier de 24,9 et 33,9 mm pour le Pioui de l’Ouest et de 31,4 à 40,1 mm pour le Pioui de l’Est
- La différence de longueur entre la plus longue primaire et la plus longue secondaire. Mesure qui peut varier de 22,3 à 29,7 mm pour le Pioui de l’Ouest et de 17,3 à 26,4 mm pour le Pioui de l’Est
En soustrayant la première mesure à la seconde, on peut obtenir un résultat variant de -1,2 à 7,0 mm pour le Pioui de l’Ouest et de 7,0 à 19,9 mm pour le Pioui de l’Est. Pyle spécifie alors qu’un seuil établi à 6,5 mm permet de différencier les individus des 2 espèces à un taux de 97,5% et ce peu importe l’âge des oiseaux. Les oiseaux ayant un total sous 6,5 mm sont des Pioui de l’Ouest.
Dans le cas de notre oiseau, nous avons obtenu 29,5 mm pour la première mesure et 24,5 mm pour la seconde (mesure prise à 2 reprises). La différence est donc de 5 mm.
Photo montrant les plus grandes sous-caudales. Crédit : Cloé Rousseau
La couleur de la mandibule inférieure
Un second critère qui différencie les 2 espèces est la variation de couleur au niveau de la mandibule inférieure. Chez le Pioui de l’Ouest la quantité de noir peut être beaucoup plus importante. Pyle spécifie que le bout noirâtre est généralement supérieur à 3,5 mm chez le Pioui de l’Ouest (inversement chez l’espèce de l’Est). Dans notre cas, la mesure indiquait 6 mm.
On peut ici voir d’une part la figure de Pyle (1997) montrant la variation de couleur de la mandibule en fonction de l’espèce et d’autre part, notre oiseau où l’on peut voir que le bout noir est assez étendu.
Un individu de première année
Parmi les autres critères observés chez l’oiseau, notons des couvertures de couleur cannelle, ce qui est typique d’un juvénile.
On voit bien ici la coloration des couvertures qui tire vers le cannelle (roux). Crédit Cloé Rousseau.
Le verdict
Il est toujours difficile d’établir avec certitude l’espèce de Pioui sans entendre l’individu observé. Or, Olivier Barden, notre recenseur à Tadoussac, s’est déplacé en fin de journée et a pu entendre son chant dissyllabique très enroué distinctif de l’espèce.
De plus, Pyle décrit avec grande confiance la formule mentionnée plus haut et semble considérer celle-ci comme l’ultime critère pour différencier les 2 espèces (à l’exception du chant, bien sûr). Le fait que notre résultat de 5 mm soit bien inférieur au seuil de 6,5 mm constitue une seconde validation à l’identification de l’oiseau.
Il s’agit donc de la première mention confirmée au Québec pour cette espèce!
L’oiseau photographié en fin d’après-midi par Olivier Barden
